Le VENT de la TOUSSAINT

Auteur : Pierre FYOT    Edition : NEL (Nouvelles Editions Latines)

Film de Gilles Behat. 

Acheté en 1993. Lu par LRT en juin 1999.

 

Préface : « Ce récit d’une époque à jamais révolue, n’est pas une œuvre polémique que l’irréversibilité des événements rendrait aussi dérisoire qu’inutile. Il n’a pas non plus pour objet de remuer le fer dans la plaie en chantant le lamento des occasions manquées.

Il faut bien, en effet, que «ceux du bled » qui d’habitude se taisent et restent dans l ‘anonymat portent à leur tour témoignage de ce qu’ils ont fait ou de ce qu’ils ont vu. Beaucoup y découvriront peut-être un visage inconnu, pour ne pas dire méconnu, d’une Algérie qui, pour appartenir désormais au passé, n’en a pas moins été bien réelle.

 

Page 64 : Ne te rends-tu pas compte autour de toi des injustices, des inégalités, des vexations continuelles ? Pour beaucoup d’entre nous votre fameuse devise «liberté, Égalité, Fraternité » n’est qu’un leurre !

Liberté ? Existe-t-elle vraiment avec ces «élus » à la solde du «baileck » qui trop souvent les a «nommés » ?

Égalité ? Alors pourquoi cette discrimination électorale du double collège qui fait de nous des citoyens de seconde zone, des parias de la classe inférieure. Et que dire des carrières systématiquement barrées, de ces postes inaccessibles, quand on n’est pas Français de souche ?

Fraternité ? Le cloisonnement des races, l’esprit de caste, sont encore trop puissants pour que les deux communautés fusionnent vraiment comme un seul peuple. Et puis peut-on vivre en «frères » quand la misère est toujours l’apanage des mêmes ?

 

Page 65 :   De quoi vivrions-nous ? Si les deux tiers des Kabyles en âge de travailler  s’exilent en métropole, c’est bien parce que leur sol natal ne peut les nourrir, et l’indépendance n’y changerait rien.

 

Être nationaliste, c’est vouloir être reconnus comme des nationaux français sans restrictions d’aucune sorte, ainsi que dans n’importe quel autre département. Pour l’immense majorité, cela ne va pas plus loin… pour l’instant. Seulement, nous en avons assez d’être des bâtards et il est grand temps que la France nous légitime. Sinon, de l’humiliation et du désespoir pourrait naître bien des tentations.

 

Mais enfin la citoyenneté française a été offerte à tous ceux qui la demandaient.

Précisément, ce choix est impensable, un non-sens. Il fait de ceux qui veulent opter pour elle des renégats vis-à-vis des autres qui n’ont pas pu, pas voulu ou pas osé le faire. C’est tout le monde ou personne…

On ne peut tout de même pas imposer la citoyenneté de force à qui la refuse !

 

Parce que tu te figures qu’un jour, d’autres se gêneront ! dis-toi bien que si ces tergiversations, ces demi-mesures continuent, bientôt peut-être, ils auront moins de scrupules à imposer la leur, sans se préoccuper de savoir si les gens sont consentants ou non…

 

Page 94 : Cette masse immense de la population est encore à gagner, affirme-t-il passionnément à son ami. Elle sera à celui, quel qu’il soit, qui l’aimera assez pour tenir jusqu’au bout sans jamais douter du résultat final.

 

Page 133 : « Mort pour rien, il est MORT POUR RIEN » .

 

Page 141 : Était-il réellement responsable cet engagé, boulanger dans le civil, ensorcelé par le pouvoir quasi mystique conféré par la simple détente d’une gâchette ? Et, des années après, en pétrissant son pain, se souviendra-t-il seulement de cet accès de somnambulisme qui l’espace d’un instant, l’a transformé en tueur ?

 

Épilogue :

 

CATHARSIS ([1])

 

Page 154 : Ce n’est pas lui, en réalité, qui a changé, mais ces tartuffes hypocrites toujours prêts à renier ce qu’ils ont adoré au gré tournant des vents instables de l’histoire….

 

Page 156 : Dans son effroyable agonie, ce pays qui n’en finit pas de mourir de la France, connaîtra encore quelques soubresauts sanglants de violence, de fureur, de souffrance.

Il y aura une dernière révolte des centurions, pour la folie, le désespoir, ou peut-être l’honneur. Puis les choses iront très vite sous la férule implacable de celui qu’ils avaient contribué à ramener au pouvoir.

 

Pour MARC, l’époque du colonialisme touchait à sa fin. C’était une évidence, un douloureux bien nécessaire. Mais il n’était pas d’accord avec l’inexorable processus mis en marche. C’était un délit d’opinion.

 

Et, pour la première fois, depuis cent trente deux ans, le cœur Français de ce pays s’arrête de battre.

Bien sûr, ce n’est pas la fin du monde ; seulement la fin « d’un monde ».

Un million d’êtres humains saignant dans leur chair, prennent le chemin de l’exode.

[1]     catharsis

Phénomène de libération des passions qui se produit chez les spectateurs lors d’une représentation d’une tragédie (selon Aristote).