UN MENSONGE FRANÇAIS

Auteur : Georges-Marc BENAMOU 

Editeur : Robert Laffont, 2003 Acheté le 31/11/2003 

Lu de Mai à Juin 2004 : Très intéressant. « Tout est dit ».

                  

 

           

Mes commentaires

 

« Un homme d’État ne devrait jamais mentir au peuple. D’autre part, il devrait faire très attention à ce qu’il dit et au genre de vérité qu’il présente, à l’heure à laquelle il la présente, et à la manière dont il la présente. »      Charles de Gaulle, Au fil de l’épée (1930).

 

Page 13 :

 

Je ne dresserai pas à nouveau, ici, le procès du colonialisme ; il est d’évidence, pour ma génération, né avec la décolonisation. Tout comme est devenue évidente, hélas, la terrible faillite de la Révolution algérienne. Ces deux vérités conjuguées, pourra-t-on, enfin, les entendre ?

 

Page 50 :

 

L’Algérie, c’était la France. Une lointaine Provence où l’on négligeait les autochtones. Un territoire méditerranéen, proche, devait-on penser alors, de l’évolution de la Corse au X1Xè siècle, ou de la Bretagne se défaisant du « joug » catholique après la Révolution.

 

Page 51 :

 

Par l’usage massif de la pénicilline qui a permis aux Algériens de renouer avec une démographie positive.

 

*** Oh ! erreur.      L’emploi de la pénicilline date de 1946 (note de LRT)

 

Page 52 :

 

Lors du congrès de son parti en 1957, Guy Mollet est applaudi lorsqu’il proclame : « Ce qu’on appelle indépendance, c’est la nation à direction musulmane puisque c’est un critère religieux qui sert d’unité. »

 

Celle, autoritaire, guerrière et gaulliste de l’amiral d’Argenlieu ; et celle, républicaine, réformatrice, ouverte, incarnée par le général Leclerc en Indochine.

 

Page 53 :

 

On est loin de l’image simpliste, dessinée par les « progressistes », d’une armée dirigée par des « tortionnaires ».

 

Page 56 :

 

Il fallait un vainqueur : ce fut le FLN, allié à de Gaulle, qui, avec son génie particulier, transforma la défaite française en triomphe patriotique. Les partisans de l’Algérie française furent les pires des perdants. Ils incarnaient la déroute de la France impériale, et toutes ses dérives.

 

Page 58 :

 

Une plainte fut déposée contre Me Isorni, par le ministère public, pour « diffamation publique envers un membre du ministère », mais un arrêt du 17 Février 1965 déclara « irrecevables » les poursuites exercées par le ministère public contre l’avocat. Lors de son procès, Bastien-Thiry reprit l’accusation d’Isorni.

 

Page 63 :

 

Delphine Renard…

 

Le 8 Février 1962, on découvre une petite fille ensanglantée, par un attentat de l’OAS-métro, qui visait le domicile d’André Malraux, avenue Victor Hugo, à Boulogne-sur-Seine.

 

Page 73 :

 

Et quand « l’anticolonialisme totalitaire » - l’expression est de Pierre Nora – lui semble trop arrogant, il a quelques échappées rageuses.

 

Pages 82-83 :

 

En Mars et Juin 1939, Camus publie un reportage sur la Kabylie : 11 articles sous le titre de Misère de la Kabylie, qui mêlent statistiques et choses vues, analyses et descriptions d’un « peuple qui vit avec trois siècles de retard ». Il dénonce les conditions de vie et de travail : « le régime du travail en Kabylie est un régime d’esclave ». Mais il ne met pas en cause la colonisation. Pour lui, les propriétaires kabyles exploitent leurs ouvriers de la même façon que les Européens. C’est donc la politique sociale qui doit changer.

 

Si la colonisation apporte le progrès, elle n’entraîne pas, automatiquement, une amélioration du sort des colonisés. Il relève le « mépris général où le colon tient le malheureux peuple de ce pays ». Il précise : « Si l’on veut vraiment d’une assimilation, et que ce peuple, si digne, soit français, il ne faut pas commencer par le séparer des Français. Si je l’ai bien compris, c’est tout ce qu’il demande ». (Olivier Todd).

 

Page 84 :

 

C’est Camus l’antifasciste, le résistant non-conformiste de Combat qui, avec Koestler et quelques intellectuels lucides, s’inquiète de la « passion » pour la violence révolutionnaire du tiers-monde, cette « pureté dangereuse » qui transporte nombre de penseurs parisiens, et fascine la gauche française, à la manière des fascismes des années 1930. C’est l’intellectuel, matérialiste mais non marxiste, qui s’insurge contre la supposée marche de l’Histoire.

 

Camus croit à l’intégration. Il espère de profondes réformes en Algérie, et rêve d’un État fédéral, formé de citoyens égaux, permettant aux deux communautés de coexister.

 

Page 94 :

 

C’est un homme qui ne peut approuver une politique de conservation ou d’oppression en Algérie. Mais, averti depuis longtemps des réalités algériennes, je ne puis non plus approuver une politique de démission qui abandonnerait le peuple arabe à une plus grande misère, arracherait, de ses racines séculaires, le peuple français d’Algérie, et favoriserait, seulement, sans profit pour personne, le nouvel impérialisme qui menace la liberté de la France et de l’Occident.

 

Page 95 :

 

Il se disait qu’au pire, une solution de partition viendrait mettre fin au conflit – on garderait l’Oranie et la région d’Alger, peut-être pas Mondovi. L’essentiel, ce goût d’Algérie, serait préservé.

 

Page 103 :

 

Avec l’Algérie, Sartre, affaibli par son retard à dénoncer, comme Camus, Koestler et Harendt, le totalitarisme soviétique, retrouve des couleurs. Il bricole des concepts et remplace le vieux binôme rouillé et soviétique (prolétariat/bourgeoisie) par un autre plus clinquant (tiers-monde/impérialisme). Il rêve de faire surgir l’Homme nouveau, le bon sauvage progressiste, des chaudrons de la décolonisation.

 

Page 106 :

 

« La Corrèze plutôt que le Zambèze. » Et, en l’occurrence, la Corrèze plutôt que l’Algérie !

 

Page 107 :

 

Au cours de sa conférence de presse du 11 Avril 1961, il persiste et déclare, clairement, que « l’Algérie nous coûte, c’est le moins qu’on puisse dire, plus cher qu’elle ne nous rapporte ».

 

Page 115 :

 

Sartre, Grand Libérateur, comment ce monument d’erreurs peut-il encore tenir debout ? Comment est-ce possible ? N’y aurait-il aucune sanction de l’Histoire, de la morale, de la justice ?

 

Pourquoi, alors que tous les communismes, les fascismes, les populismes ont été déboulonnés à la fin du siècle dernier, cette statue-là, celle de l’anticolonialiste totalitaire, peut-elle encore subsister ?

 

Rien de tout cela n’aura survécu au temps. Sauf, curieusement, le mythe de la Révolution algérienne servie par « nos » porteurs de valises.

 

Page 116 :

 

Il faut relire Camus pour comprendre l’état d’esprit de certains dans cette année 1957. Dans sa précieuse préface aux Chroniques algériennes, rédigée au printemps 1958, il écrit : « Il m’a paru indécent, et nuisible, de crier contre les tortures en même temps que ceux qui ont très bien digéré Melouza… »

 

Page 117 :

 

Le 18 Octobre 1961, Pierre Vidal-Naquet, et le comité Audin, condamnaient dans Le Monde des actes de torture perpétrés contre l’O.A.S. par les autorités françaises.

 

En Novembre 1962 cette fois, ils dénoncent les mêmes actes commis par les soldats de l’ALN contre des harkis. Et, en Janvier 1964, dans France-Observateur, ils renvoient, dos à dos, les pratiques de l’armée française, pendant la bataille d’Alger en 1957, et celles du régime algérien :

 

« Le « suicide » du chef mécanicien Bernardo Gonzalès, qui se serait jeté d’une fenêtre du premier étage de la caserne d’Oran, est à peu près aussi authentique que le « suicide » d’Ali Boumendjel. »

 

Page 123 :

 

Les témoins le certifient ; les gaullistes le confirment ; les historiens l’attestent – ils parlent de la certitude très wishfull thinking de son retour imminent aux affaires. De Gaulle persiste à vouloir jouer un rôle.

 

Page 127 :

 

L’excellent livre de Merry et Serge Bromberger, Les Treize Complots du 13 Mai ou la Délivrance de Gulliver, Paris, Fayard, 1959.

 

 

Page 144 :

 

Que les Algériens sachent, surtout, que l’abandon de la souveraineté française en Algérie est un acte illégitime, c’est-à-dire qu’il met, ceux qui le commettent et qui s’en rendent complices, hors-la-loi, et ceux qui s’y opposent, quel que soit le moyen employé, en état de légitime défense.

 

Page 166 :

 

L’attitude de De Gaulle n’est d’ailleurs surprenante qu’en apparence, et classique de la part du monarque qui avait retenu l’élémentaire leçon, digne du Bréviaire de Mazarin, ou du Prince qui enjoint au tyran de se débarrasser des comploteurs qui l’ont fait roi.

 

Page 167 :

 

Il s’irrite de Soustelle, le plus fidèle d’entre tous, en disant, presque jaloux de sa popularité algéroise : « Les pieds-noirs criaient « Vive Pétain ». Ils crient maintenant « Vive Soustelle ». ».

 

On pourrait dire qu’il cache son jeu – ce serait de bonne politique. Or, de jeu, il n’en a pas. Ni de plan, ni de cap.

 

Acte fondateur du nouveau régime, le voyage de Juin 1958 - il y en aura six autres – donne la mesure des ambiguïtés algériennes de De Gaulle - on l’a dit. Pis, il trahit un désarroi. De Gaulle, en arrivant à Alger, ne sait pas où il va.

 

Quatre voyages du général de Gaulle en Algérie, de Juin à Décembre 1950, puis trois autres, du 27 au 30 Août 1959, du 3 au 7 Mars, et du 9 au 12 Décembre 1960.

 

Page 169 :

 

Les gaullistes ont coutume de rappeler, à l’appui de leur dogme sur l’infaillibilité du général, la conférence de Brazzaville, de 1944, où de Gaulle parla de « mener chacun de ces peuples à un développement qui lui permette de s’administrer et, plus tard, de se gouverner lui-même ».

 

Page 172 :

 

« Etait-il nécessaire de rompre les premières négociations d’Evian sur la question du Sahara pour proclamer, soudain, au cours d’une conférence de presse, qu’aucun gouvernement algérien ne renoncerait à la souveraineté sur les sables et le pétrole ? »

 

Pourquoi avoir laissé les officiers s’engager solennellement, vis-à-vis des populations, si l’on était décidé à ne pas leur permettre de tenir leur serment ?

 

Le réquisitoire de ce compagnon de route du gaullisme est implacable. Aron ne s’en tient pas là. Il accuse le Général de « gouverner à la florentine » par « une suite de reniements odieux ou de ruses cyniques ». Où se niche donc le génie politique, celui qu’on nous vante depuis quarante ans ?

 

Page 183 :

 

C’est au cours de ce voyage traumatique que de Gaulle renonce à vraiment décoloniser. Il choisit, alors, de larguer l’Algérie ; pas de la conduire à l’indépendance. La nuance est capitale - on l’a trop négligée. Ce virage est un zigzag gaulliste de plus. Celui qui déterminera tout – et jusqu’à aujourd’hui.

 

C’est à ce moment – où de Gaulle n’envisage plus aucun autre interlocuteur que le FLN, ni les notables musulmans, ni les combattants de l’intérieur comme Si Salah, ni les représentants des Européens d’Algérie – que se dessine la pire des indépendances. Et sa terrible conséquence : la prise de pouvoir, en Algérie, par un parti totalitaire.

 

Page 188 :

 

D’abord, il y a la préférence idéologique gaulliste. L’homme du 18 Juin applique, à la rébellion algérienne, sa propre grille de lecture. Pour lui, il y a, dans cette rébellion, comme dans la résistance française de 1943, deux composantes.

 

La Résistance intérieure – elle est vaillante mais brouillonne et dangereuse ; tandis que la Résistance extérieure serait plus politique et, selon lui, plus fiable.

 

Le FLN de Tunis représenterait, en quelque sorte, le Londres de la France libre, le sien.

 

Page 192 :         ( Discussion entre Peyrefitte et de Gaulle).

 

Il s’agissait, alors, de conserver les zones de peuplement européen, l’Algérois et l’Oranais, et de garantir, à la France, l’exploitation des richesses pétrolières du Sahara. Les deux hommes précisent, ensemble, la solution : le regroupement des populations profrançaises, d’une part, et pro-FLN d’autre part, en laissant le Sahara hors de ce partage.

 

La proposition permettrait, conviennent-ils, de résoudre les deux conflits qui opposent, alors, le FLN aux négociateurs français : le statut des français d’Algérie et la « nationalité » du Sahara. En 1957, des députés radicaux, menés par Robert Hersant, avaient proposé un projet assez proche.

 

Page 193 :

 

De Gaulle trace, lui-même, la voie le 5 Septembre, au cours d’une conférence de presse où il brandit, à nouveau, la menace d’un regroupement des populations européennes.

 

Page 204 :

 

Le risque majeur, dans une telle enquête, c’est l’anachronisme.

 

Le danger, je le sais, c’est cette posture de justicier que prennent, parfois, les enquêteurs quand ils se penchent sur le passé. Juger ici, et maintenant, un demi-siècle après, en négligeant le contexte, en accumulant les charges, et en survalorisant le savoir présent, travers dans lequel tombe, parfois, ma génération lorsqu’elle se fait juge d’instruction de l’Histoire.

 

Charles de Gaulle, et Louis Joxe, ont choisi de ne pas voir, de ne pas savoir, de ne jamais considérer les malheurs qu’engendrerait, et très vite, cette décolonisation à la hussarde. Les deux hommes, en effet, ne pouvaient ignorer les faits.

 

Page 206 :

 

Ils offraient l’Algérie à un parti-Etat qui mènerait le pays vers le totalitarisme. Ils avaient été alertés sur la nature politique du FLN, et de ses composantes dominantes, marxiste et islamiste. De tous les horizons, les mises en garde sur le « totalitarisme » du FLN avaient afflué vers le général de Gaulle.

 

Celles – on l’a vu – de son entourage immédiat : Michel Debré et Maurice Couve de Murville.

 

Page 233 :

 

« Les harkis… ce magma qui n’a servi à rien et dont il faut se débarrasser sans délai. » « Le magma », ce mot terrible, prononcé devant les ministres au garde-à-vous – on ne plaisante pas dans les conseils des ministres – vaudra consigne.

 

Page 235 :

 

Le monde entier redoutait un massacre des harkis. Fin Mai 1962, le président John Fitzgerald Kennedy lança un appel solennel pour les sauver. Son retentissement est oublié ; mais c’est la prise de position publique de Kennedy, et la pression internationale suscitée, qui obligèrent, alors, le gouvernement français à accueillir les harkis « au compte-gouttes » en Juin 1962. Il fut même proposé de les accueillir aux Etats-Unis.

 

Page 240 :

 

Vingt-deux ans, après Juin 1940, c’est un autre exode, mais le Général se moque bien de ces Français. Il les néglige, les ignore. Et, toujours, les méprise.

 

Page 246 :

 

La sentence d’ Etat, définitive, fut même explicitement énoncée au conseil des ministres du 4 Mai 1962 par le président de Gaulle : « L’intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des pieds-noirs. »

 

Page 247 :

 

Lors du référendum du 8 Avril 1962, portant approbation des accords d’Evian, seule la métropole fut consultée, écartant, ainsi, les habitants d’Algérie d’un scrutin qui décidait de leur sort. La consultation, prévue en Algérie, se déroulerait seulement le ler Juillet

 

Certains contestèrent ce procédé avançant qu’il violait la Constitution en divisant le territoire national (imposant une révision de l’article 2 qui proclame que la République est une et indivisible), en consacrant une sécession des départements français d’Afrique (article 72) et en excluant les Français, résidant en Algérie, de ce vote (violant l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme).

 

Le 20 Juillet 1962, il fut question, à l’Assemblée nationale, des observations respectueuses que le Conseil constitutionnel avait adressées au président de la République à propos de l’organisation de ce référendum.

 

Page 291 :

 

On juge Louis XV sur la perte du Canada et des Indes, non sur le rendement de la gabelle…

 

Page 323 :

 

Ces archives ont été récemment ouvertes et explorées par le général Faivre, dont le travail est reconnu (voir notamment Les Combattants musulmans de la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 1995).

 

Dans un ouvrage plus récent, que nous citons ci-dessous, Les Archives inédites de la politique algérienne (1958-1962), Paris, L’Harmattan, 2000, le général Faivre apporte d’autres documents « secrets urgents » accablants pour le pouvoir politique et les états-majors.

 

Les directives, et notes ci-dessous, viennent, en plus des trois télégrammes criminels évoqués dans le chapitre consacré aux harkis, alourdir, plus encore, les responsabilités françaises dans leur extermination.

 

 

 

 

 

 

 

 

NOTES.

 

A noter les noms suivants : Pierre NORA

HARENDT (page 103)

Michelle COINTET (page 186)